Mon premier bébé a pleuré quelques secondes après sa naissance. C’était la première fois que j’entendais les pleurs d’un si petit bébé. C’était la première fois que je percevais les pleurs d’un bébé avec autant d’intensité. Ils n’ont pas duré longtemps, ses pleurs. Juste assez longtemps pour nous relier. Juste quelques sons que je saurais reconnaître entre milles et un autre pleur. Ce que j’ignorais à ce moment-là c’est que chaque fois que ces pleurs se feraient entendre, même longtemps après le jour de sa naissance, ils viendraient réveiller en moi une interrogation, une anxiété, et même quelques fois une peur.
Que se passe-t-il ? Pourquoi pleure-t-elle ? Est-ce qu’elle a faim ? Soif ? Est-ce qu’elle est fatiguée ? Est-ce qu’elle souffre ?
On en a traversé, ensemble, des crises de larmes et des phases de doutes. J’ai cherché tant de réponses, en l’auscultant sous toutes les coutures, auprès d’une amie, dans un livre ou sur un forum en ligne… J’ai fini par comprendre que chaque moment de grands pleurs qui ne trouvait pas comme réponse une tétée nourricière avait, le plus souvent, seulement besoin d’être accueillis. Accueilli, entendu et compris, voilà ce dont avait besoin mon bébé dans ces moments de grands hurlements. C’était difficile de me sentir impuissante et d’avoir l’impression de ne pas comprendre ce qu’il pouvait se passer. Chaque pleur venait réveiller en moi quelque chose de douloureux, comme s’il me fallait absolument répondre par une action précise, qui était attendue par mon enfant, ou par les gens qui nous entouraient… et que j’étais la seule à ignorer ce dont il s’agissait. Durant les premiers mois de vie de nos bébés, nous sommes en difficulté pour comprendre notre enfant, qui, a pour seul et unique moyen de communication, ses pleurs. Pleurer pour dire « J’ai faim ». Pleurer pour dire « Je suis fatigué ». Pleurer pour dire « j’ai chaud », « j’ai froid », « hey mais regarde-moi ! ». Pleurer pour dire « j’ai peur », « je suis triste » ou « j’ai besoin de toi ».
Reconnexion et instinct de parent.
Face à ces pleurs, j’ai fini par appendre, qu’une fois, la faim, le besoin d’être au sec ou le manque de sommeil avaient été exclus comme étant les raisons des pleurs de mon enfant, mon rôle de maman était d’accueillir. D’accueillir pleinement ces pleurs, avec beaucoup de sérieux et d’authenticité.
Accueillir c’est dire, « je vois ». Je vois que c’est dur pour toi ce moment. Je vois que quelque chose ne va pas et même si je ne peux pas clairement identifier ce qui te chagrine autant, je peux t’entendre, t’accompagner, te bercer, sans te demander de te taire. Juste accueillir tes pleurs pour ce qu’ils sont. L’expression d’un inconfort contre lequel je suis certainement impuissante.
Je suis maladroite avec mes « chhuuut ». Je dis « chut » alors que je voudrais te dire « pleure », « pleure, mon bébé », « pleure, pour me dire tout ce qui te fait souffrir, et chacun de tes pleurs, je les reçois avec tout mon amour et beaucoup de compassion. Mon corps veut te dire comme j’aimerais te soulager instantanément, mais comme il ne sait pas le faire, ce corps, dans lequel je blottis le tien, te dit que tu as le droit de dire tes émotions, que tu peux exprimer ce qui te traverse et que chaque cellule en moi, prend la responsabilité d’accueillir chacune de tes déconvenues, chacun de tes tracas, chacune de tes douleurs, chacune de tes peurs, de tes tristesses, chaque larme de colère, de frustration.
Je ne suis pas toujours celle que j’aimerais être.
Parfois c’est difficile pour moi, parce que je n’ai pas appris à laisser mes propres émotions me traverser. Alors les tiennes viennent remuer en moi un inconfort, une alerte, un état de stress ou de peur qui me donne envie de tout faire pour que tu arrêtes de pleurer. Mais chaque fois que cela m’arrive maintenant, je repense à ton tout premier pleur, je me connecte à lui si fort, que je retrouve l’intensité de ce qui nous relie depuis la première minute de ta vie. Baignée de cet instant, je sais, que mon rôle est d’accueillir tes pleurs, de les comprendre, les entendre pour que tu grandisses en toute estime de toi-même bercé par la sécurité affective que tout être humain et en droit de connaître. Je sais qu’à lui seul, ce sentiment de sécurité, te donnera l’opportunité de grandir en confiance, dans un sentiment de bien-être, d’apaisement et de paix intérieure. Pleure, mon bébé, je suis là pour ça, pour toi. Et même du haut de tes 8 ans aujourd’hui, je m’applique à toujours accueillir tes pleurs pour ce qu’ils sont et me souvenir, qu’ils ont chacun une raison d’être‧ Je me souviens alors, que tu as besoin de moi, pour t’accompagner à les écouter et comprendre ce dont tu as besoin.
Pleure, car chaque larme que j’accueille pleinement, te donne confiance en qui tu es et t’offre la possibilité de faire grandir ton estime de toi.
Pleure, mon bébé, je suis là. »